Al Habs kedheb ou el Hay irawa7

Je la revois encore comme ce matin. Il devait être 7h. Remontant la rue. Chancelante sous le poids de son couffin. Elle n’a pas les moyens de prendre un taxi. Elle préfère y aller à pied. Les 2d,elle préfère les donner à l’aumônier pour acheter des clopes.Elle ne fume pas pourtant. Elle va de son pas lourd en se hâtant.Elle ne doit pas trop tarder. Ça sent bon dans son couffin.un mélange de frites, de poulet rôti et de coucous à l’agneau. Une semaine à travailler chez Mme Behija, une semaine à récurer les toilettes, à frotter les vitres, à passer la serpillière sur le sol marbré, une semaine à passer un trait sur sa vie, pour préparer la gamelle. Elle rabat son voile en hâtant le pas, ses bras lui font mal, mais qu’importe, la douleur physique n’est rien devant la douleur des entrailles. Ça fait maintenant deux ans. Le même rituel. Le même gardien, froid à peine poli. Des mères, des sœurs,des épouses, des filles autour d’elle. Beaucoup de femmes abattues.. toutes pareilles, une djellaba bon marché, des ballerines usées avec des bas plus foncés. Un foulard de couleur, la seule note joyeuse dans cette triste vie. On se retrouve à l’entrée de la prison toujours les mêmes visages pour les longues peines, de nouveaux arrivés que l’on reconnaît à leur air honteux, à leur façon de baisser la tête, à la nourriture qu’on ramène et qui sera renvoyée. On les voit repartir les larmes aux yeux ayant encore la force de s’indigner pour un morceau de tajine refoulé… à la fin on s’habitue et l’on n’a plus que la force du désespoir.

Le temps est long… on attend et on discute, comme dans les salles d’attente de l’hôpital, les halls des tribunaux, tous ces lieux où se concentre la misère. Les riches eux, ils ont les moyens de payer pour ne pas attendre, ils ont les moyens de payer la dignité bafouée dans les couloirs des administrations pénitentiaires. L’été il faut faire vite, la nourriture risque de tourner rapidement…l’hiver ce sont les mains qui gèlent. Le cœur des gens aussi qui s’endurcit quand ils savent qu’on a fils détenu.

Et ce sentiment de honte, d’avoir échoué quelque part, de ne pas avoir su l’écarter des mauvaises fréquentations, l’impuissance face à ce fils pas comme les autres. Rajel ou ma i3ibou chey…quand il se terrait depuis l’âge de 7 ans pour sniffer «collefort » sous les murs des maisons en constructions. Rajel ou ma i3obou chey quand à l’âge de 9 ans il a commencé à fumer sa première clope et à 11 ans à fréquenter les salles de jeu.Rajel ou ma i3ibou chey quand il a été expulsé de l’école àl’âge de 12 ans, pour mauvaise conduite. Rajel ou ma i3ibou chey quand il est rentré à la maison à l’âge de 13 ans puant la mauvaise bière. Rajel quand la police est venue le chercher à 15 ans pour une dispute dans un café. EL 7ay irawe7

Rajel ou ma I3ibou chey, quand il s’est marié, rajel quand il frappait sa femme et quand il la violait 3ala sonet el nes wa rassoulou. Rajel,quand il a repris le chemin de la prison pour vol avec violence .Rajel ou ma I3ibou chey, quand il a laissé sa femme enceinte ne pouvant subvenir à ses besoins…à la place de sa mère, elle a repris le couffin et la gamelle pour rendre visite à son rajel ellima3ibou chey.

Il a été amnistié.. El 7abs kedheb et el 7ay irawe7

Rajel ou ma 3abou chey, quand il a pris un couteau pour égorger lentement sa femme comme d’autres égorgent leur Tunisie qui les a libérés pour s’offrir à eux, impudente, un 23 octobre 2011.

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